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lundi, 02 janvier 2006

"tordre la voix de légèreté "

medium_bartoli_live-2.jpgCecilia, dans sa belle robe rouge, s’avance devant les musiciens. Elle tape un peu du pied, elle les lance. Elle chante un air de Griselda [Agitata da due venti]. Tempête, donc. Désespoir ? Ce n’est pas ce qu’on va entendre. Attendez Cecilia sur le mot naufragar. Elle le module avec une joie sauvage, elle est ravie de sombrer, l’amour triomphe du devoir (dolore, amore). NAUFRAGAR ! Elle n’a jamais fait mieux, elle ne fera jamais mieux. Vitesse et virtuosité confondantes, éclairs, coups de vent, tornade, percussions, roucoulades, cela s’appelle, à l’époque de Vivaldi et de Haendel, "tordre la voix de légèreté ". Elle a voulu chanter dans ce théâtre, elle a minutieusement préparé son attentat. Ça passe, ça ne casse pas, c’est inouï de torsade. Le public est électrisé, un ange révolutionnaire vient de vibrer. [...] Tout son corps est un instrument de souffle. Elle peut être furieuse, idyllique, pseudo-naïve, sentimentale, drôle, sadique, tendre, rêveuse, enfantine. Elle a fait le tour des mille détours. Elle prend les mots à la racine (divin italien), elle les étire et les broie, elle les catapulte, les caresse et les fouette. [...] Une telle aptitude à la volupté abolit, chirurgicalement, des tonnes de musique romantique inutiles. Bartoli est une sorcière, une fée, une débauchée, une fille du peuple sensuelle et gaie, une artiste incroyable, une merveilleuse femme de la vie courante, une camarade, une aristocrate, une reine. Elle descend de tous les tableaux vénitiens, Vénus, saintes, elle est là, à la fin du XXe siècle et au début du XXIe.

Philippe Sollers, Dictionnaire amoureux de Venise, Plon,2004

22:02 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Le dernier disque de Cecilia B., "Opera proibita", est une merveille de puissance, de subtilité et de finesse. Mais j'arrête là les qualificatifs, trop c'est trop, n'est-il pas ?

Écrit par : J.-J. M. | mardi, 03 janvier 2006

Oui, une merveille, jusqu'à cette photo, à l'intérieur du livret, que j'avais d'ailleurs en son temps, diffusée ici...

Écrit par : Ray | mardi, 03 janvier 2006

Les commentaires sont fermés.