samedi, 26 novembre 2005
Le corps est la grande raison
Je crois que Nietzsche a anticipé ce qui est en train de nous arriver lorsqu’il a dit que « le corps était la grande raison », et qu’il s’agirait, désormais, presque d’être l’incarnation animale de Dieu, ou bien qu’il faudrait penser enfin ses sens, ses cinq sens! Je crois désormais effectivement vérifiable que tout est fait pour priver l’être humain de sa perception et de ses sensations, de le scotcher à l’image publicitaire, d’appauvrir son langage, de façon à ce qu’il se vive parfaitement embarrassé, désespéré et vite évacuable. Ce qui fait que le totalitarisme du XXe siècle ayant démontré, comme le dit Hannah Arendt, la « superfluité » de la vie humaine, nous entrerions dans un système planétaire qui ferait qu’une vie n’est pas seulement superflue – tout le monde est devenu remplaçable –, mais que ça ne vaut même plus la peine de s’arrêter sur la perception et la sensation! Ce que vous démontre, au contraire, la ténacité, le courage, la sublime assurance de peintres comme Matisse et Picasso, par exemple, qui, précisément, ont agi en tant que réfractaires à leur époque et ont tenu bon en peignant des choses qui pourrait vous paraître inessentielles par rapport à la propagande du temps: c’est une magnifique leçon! On l’accepte en peinture, pourquoi ne pas l’accepter en littérature, avec des mots?
Interview passionnante de Philippe Sollers à lire en entier ici
Matisse, La joie de vivre
09:18 Publié dans Interview | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
"... je vous dis que ce moment est tout à fait magique, que l’herbe est d’une beauté extraordinaire, et ces fleurs aussi, que nous devrions goûter cet instant comme s’il n’y en avait pas d’autre, que peu importe ce soir ou demain, nous sommes pleinement dans l’éternité dès maintenant! Et pour cela j’apporte comme preuves le fait que des êtres très différents au cours du temps – qui sont indiens, chinois, anglais comme Shakespeare, allemands comme Hölderlin, français comme Rimbaud, etc... – d’une certaine façon, avec des mots différents, vont tous dans la même direction ultrapositive et extatique. Et à ce moment-là, comme je pense que ça va choquer beaucoup le système et ses représentants, j’invente une salle de spectacle où le puritanisme ambiant est violemment choqué par cette épreuve de beauté aussi formidable."
Écrit par : Alina | samedi, 26 novembre 2005
merci pour cet extrait :)
Écrit par : cidrolin | samedi, 26 novembre 2005
Les commentaires sont fermés.