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lundi, 19 septembre 2005

Extraits inédits de "Friterie-bar Brunetti - 3

Maintenant si vous n’y voyez pas d’inconvénient je peux vous révéler aussi, toujours en aparté bien sûr, comment dans leurs petits projets à la Pol Pot taquiner la bouteille dans un bistrot va devenir tantôt crime à justifier la corde. La gent épicière ne se pintant aux alcools forts qu’en famille ou en tribu, calfeutrée le soir au coin du feu et vautrée dans de vastes sofas, après s’être copieusement régalée devant la télé de hamburgers mayonnaise arrosés au whisky coca, pourquoi voudriez-vous que le premier tartempion venu reste autorisé à étaler aux yeux de tous son humble bonheur à trinquer entre copains aux comptoirs du quartier, voire — Catastrophe! — lever avec insolence son verre à un avenir meilleur ? C’est mettre, voyez-vous, dans cette façon de se conduire bien de la provocation face aux tartufes et on comprend que cela leur devienne vite intolérable. Ainsi dans l’un de ses accès de délirium tremens dont nous le savons maintenant coutumier, le clan des alcooliques mondains a sorti de son chapeau claque la grosse ficelle de l’éthylotest lequel, enfourné de force par ses flics dans le bec du buveur de bordeaux au sortir du café, tranchera dans le vif pour dire si le pékin peut poursuivre peinard son chemin ou, c’est beaucoup plus probable, être illico embarqué au poste sans autre forme de procès pour s’y faire à coups de trique remettre les idées du bon côté. Voilà tout bêtement le satanique stratagème qu’ont inventé ces pharisiens et leurs acolytes pour faire passer au bon bougre toute envie de se réjouir le cœur en bonne compagnie et aller peut-être puiser dans la profonde sagesse du vin un nouvel esprit de révolte. Quand il sera formellement interdit de fumer dans nos bars-tabacs et qu’on ne pourra plus s’y enivrer qu’à l’eau de javel du robinet ou au pepsi-cola, alors le complot des bourgeois, des beaufs, des banques et des charognards de l’immobilier aura bel et bien abouti et, à Dieu ne plaise!, les bourgeois, les beaufs, les banques et les charognards de l’immobilier auront finalement fait la peau à nos derniers bistrots.

(Extrait de "Friterie-bar Brunetti" : Pierre Autin-Grenier, à paraître le 6 octobre chez l'Arpenteur)

18:50 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (0)

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