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samedi, 25 juin 2005

Une oeuvre ailée

On peut passer des dizaines de fois devant un tableau de Poussin et ne rien voir. A son ami Chantelou : "Les choses esquelles il y a de la perfection ne se doivent pas voir à la hâte, mais avec temps, jugement et intelligence. Il faut user des mêmes moyens à les bien juger comme à les bien faire". L’émotion tisse son œuvre. L’espace est baigné d’une douce lumière, transfiguré, présence de la volupté, mais aussi de la volonté farouche des hommes, touches graciles de vert dans le jade du ciel. Une perfection qu’on devinait confusément est là, manifeste, sur la toile. Lumière romaine, tour à tour triomphante et souple, sensualité des corps, justes, voluptueux, jamais idéalisés, tout précise l’harmonie, la souplesse, l’éternel retour...
Cette œuvre : Le temps calme. Le bleu de l’eau et des météores se contemplent, enserrent le paysage, un rêve entre les deux, lui aussi dédoublé par son reflet. Sinon presque rien, des animaux paisibles, la montagne se fond dans l’architecture des nuages, les feuilles de l’arbre sur la droite s’effilochent irréelles, ténues, graciles, les nuages s’envolent vers le haut du ciel, la sensation de calme est rassemblée, ramenée partout, innervée.
Un homme au premier plan s’appuie sur une canne, près de lui un chien mais leur regard flotte indifférent à cette beauté, ils en sont tellement pénétrés qu’ils n’ont pas besoin de la regarder. Le mouvement de leur corps est le lever de rideau de la scène. D’autres personnages, minuscules, des cavaliers, l’un d’entre eux lance sa monture à toute vitesse, il va quitter le tableau, il n’a pas place ici, son départ imminent le montre, la tranquillité va reprendre sa place.
Partout dans l’œuvre de Poussin, ces nuances de teintes qui sculptent le paysage, répandues sur les contours, cieux déchirés, adamantins, douceur infinie des regards, apaisante. Souvent, les personnages sont pris de frénésie, c’est l’orage, le grand vent de l’Histoire, la Bible, rien n’échappe à ce déferlement. Toujours les météores, les nuées décrivent l’action, les sentiments, la palette est infinie. Son but, la délectation, la sensualité pure, l’arrondi des corps, cette chair que l’on respire. Plus on regarde un tableau de Poussin, plus on y décèle d’harmonie, plus la vue s’éclaire, prend de l’expansion, devient assurée. La fièvre subtile qui se dégage de la composition gagne le spectateur.
Ainsi dans le Paysage avec les funérailles de Phocion, la lumière du soir est posée subreptice, dans une fureur printanière, multitude des plans entrelacés. Un arbre torturé berce sa palme avec indolence. A un moment il y a résonance entre la composition, le motif, les émotions décrites. Des tableaux comme des opéras. Une œuvre ailée.

(Extrait de "Le sourire de Cézanne", roman)

23:30 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (5)

Commentaires

Etudiante j'allais avec d'autres de mon atelier auLouvre peindre ou dessiner. Moi plus réservée je suppose n'osais entreprendre une toile, et j'ai dessiné d'après une toile de Poussin celle où il y a Narcisse endormi.
Un dessin prend moins de temps. Un de mes amis était devant moi et entreprenait un grand format d'après une toile fabuleuse du maitre, et je voyais toute cette composition apparaitre. Subtil.
Cézanne fait partie de mes peintres aussi, quels influences ai-je reçu. Maintenant à mon âge les influences ce sont tassées mais les racines sont tjrs présentes......

Écrit par : bonaventure | dimanche, 26 juin 2005

Cézanne avait une véritable vénération pour Poussin...

Écrit par : Ray | dimanche, 26 juin 2005

C'est vrai, même qu'il le prenait souvent sur ses genoux et qu' il l'appelait "Mon petit poulet mal assis"! Merveilleux Poussin, merveilleux Cézanne, merveilleux nages!

Écrit par : P.A.G | dimanche, 26 juin 2005

Poussin et Cézanne, de "merveilleux nages"... J'ai retourné tous mes dicos d'argot et n'ai rien trouvé à "nage". Encore un carpentratisme (ou un lyonisme ?). P.A.G. ne cessera jamais de m'étonner !

Écrit par : Rick Hunter - Président des saoulréalistes du Hainaut | dimanche, 26 juin 2005

Il a simplement confondu Cézanne avec Cinzanno, c'est pas grave !

Écrit par : Ray | dimanche, 26 juin 2005

Les commentaires sont fermés.