mercredi, 02 mars 2005
La poésie
L’art se situe à l’écart de tout, et nous y transfère immédiatement. La poésie n’est pas un art. Elle est un état. Constamment provisoire et fragile. A l’écart des mots. A cet état il peut se faire que le poème permette d’accéder. Mais cet état n’est pas inscrit dans le poème. Il est en nous. Illisible et muet.
Gil Jouanard
02:25 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
SOUS LA LUMIÈRE ROUGE DE LA LUNE
Ilarie Voronca
L’enfant dépossédé erre nu et seul dans la rue.
Ce n’est plus un enfant maintenant.Il ne se rappelle plus
ce qu’il est venu faire dans ce quartier de la ville qui lui semble
soudain inconnu sous la lumière rouge de la lune.
Perdu entre des millions d’hommes
Leur ressemblant de plus en plus
jusqu’à ne plus me reconnaître
Pouvant aussi bien vivre leur destinée
qu’eux pourraient vivre la mienne
Avec la faim, le froid inscrits sur le visage
Et quelquefois l’extase hébétée
d’un désir satisfait
Ce n’est pas moi qui ai su faire
un outil de mon corps
Pour dresser dans la mémoire du monde
ma statue
Une montagne, une mer ont suffi
pour remplir mes poches
Dans les villes mon ombre a fui craintive
dans les égouts
Et quand les promeneurs disaient avec respect :
Cette bâtisse est à un tel et ce carrosse
Est à un tel et ce jardin et cette vallée
sont à un tel
Ce n’est pas mon nom que prononçaient
leurs lèvres.
Mais moi qui n’ai jamais rien eu
Comment pourrait-on se souvenir de moi ?
Car pour s’en souvenir il faut palper,
voir ou entendre
Et que pourrait-on voir, entendre ou palper
Sur quelqu’un qui n’a que son regard
Comme une feuille de nénuphar
sur l’eau de son âme paisible.
Il y en a certes qui font des actions méritoires
Des capitaines qui conduisent des hommes
au combat
Et si un seul parmi ceux-ci échappe à la mort
Il porte témoignage pour la vaillance du chef
Il y en a qui demandent des sacrifices aux foules
“Que chacun, disent-ils, fasse son devoir
Et qu’il se contente d’un salaire minime”
Ceux-là on les nomme bâtisseurs d’avenir.
Leur pouvoir est grandi non seulement
des bêtes, des machines et des pierres
Mais des hommes aussi qui font partie
de leur avoir.
Pour avoir une identité, il ne suffit pas
De posséder deux bras, deux jambes,
deux yeux, un nez, une bouche
Il faut que quelque chose qui est en dehors
de vous, vous appartienne
Une terre, une maison, une forêt, une usine
Ne serait-ce qu’une petite échoppe
de cordonnier
Une écurie de courses, ce serait parfait
mais il ne faut pas viser trop haut
Un troupeau de brebis
on même quelques volailles
Feraient très bien l’affaire
Car l’homme avec ses angoisses et ses soifs
d’infini est si peu de choses
Que pour qu’il puisse susciter l’estime
Il doit s’adjoindre quelque bête
ou quelque pierre inerte
S’entourer de l’autorité d’une grange
ou d’une carrière de sable
Alors ceux qui le croisent voient autour de lui
Les murs de sa demeure, le souffle
de ses buffles
Alors sa figure s’augmente de tout
ce qu’il possède
Et les hommes s’en souviennent
Mais moi pour la gloire de qui
Ni bêtes, ni gens n’ont travaillé
Je suis passé sans laisser de traces
Nulle empreinte ne ressemble
à celle de mon pas
Mes initiales ne sont gravées
ni sur l’écorce des arbres
Ni sur les croupes du bétail.
Ah ! j’ai peut-être été entraîné
dans ce passage terrestre
Comme un qui se trouve involontairement
mêlé
A quelque histoire honteuse
Il valait mieux que je fusse méconnu
Que personne ne puisse dire :
“Il était comme cela !”
Non rien de particulier dans le visage
Je n’ai été ni champion de force ni chanteur,
ni meneur d’hommes
Quelle chance d’être passé inaperçu
Et quand les juges chercheront les noms
Ils ne trouveront le mien
ni dans les cadastres des mairies
Ni parmi les titulaires de chèques,
ni parmi les porteurs de titres
Non, pas même sur une croix
ou sur un morceau de pierre
Quelque part se mêlant
aux blancheurs d’un ciel bas
Mes os seront pareils aux herbes arrachées.
Écrit par : P.A.G | mercredi, 02 mars 2005
— Qu’est-ce qu’on fait ?
— On attend les ordres.
— D’en haut ?
— D’en bas aussi.
Marie-Hélène CLÉMENT
extrait de “42 Tragédies classiques et contemporaines” (12 €)
HARPO &, éditeur – Chemin du Mauvais Pas – 13008 Marseille
Écrit par : OSS 117 | mercredi, 02 mars 2005
C'est une question de jours maintenant, tous les éléments sont réunis, que chacun soit prêt...
Écrit par : OSS 118 | mercredi, 02 mars 2005
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