Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 01 mars 2006

« La littérature, comme toute autre forme d'art, est l'aveu que la vie ne suffit pas »

Plus que la solitude, ce que j'aime, c'est être sur les marges. A la limite entre mon univers et le monde. J'aime beaucoup le spectacle des frontières, pour le mystère, leur situation en limite entre le connu et l'inconnu.

A lire une intéressante interview de Eric Faye, ici, sur le site de Calou

17:24 Publié dans Interview | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

Très intéressant, en effet.

"C'est, en autres, grâce à la stratégie d'évitement, que se construisent un regard et une écriture".

Je trouve ça, tellement juste !

Au plaisir de vous lire,
Lydia

Écrit par : Lydia | mercredi, 01 mars 2006

La littérature à l’estomac

À partir du moment où il existe un public littéraire (c’est-à-dire depuis qu’il y a une littérature) le lecteur, placé en face d’une variété d’écrivains et d’œuvres, y réagit de deux manières: par un goût et par une opinion. Placé en tête-à-tête avec un texte, le même déclic intérieur qui joue en nous, sans règle et sans raisons, à la rencontre d’un être va se produire en lui: il «aime» ou il «n’aime pas», il est, ou il n’est pas, à son affaire, il éprouve, ou n’éprouve pas, au fil des pages ce sentiment de légèreté, de liberté délestée et pourtant happée à mesure, qu’on pourrait comparer à la sensation du stayer aspiré dans le remous de son entraîneur; et en effet, dans le cas d’une conjonction heureuse, on peut dire que le lecteur colle à l’œuvre, vient combler de seconde en seconde la capacité exacte du moule d’air creusé par sa rapidité vorace, forme avec elle au vent égal des pages tournées ce bloc de vitesse huilée et sans défaillance dont le souvenir, lorsque la dernière page est venue brutalement «couper les gaz», nous laisse étourdis, un peu vacillants sur notre lancée, comme en proie à un début de nausée et à cette sensation si particulière des «jambes de coton». Quiconque a lu un livre de cette manière y tient par un lien fort, une sorte d’adhérence, et quelque chose comme le vague sentiment d’avoir été miraculé: au cours d’une conversation chacun saura reconnaître chez l’autre, ne fût-ce qu’à une inflexion de voix particulière, ce sentiment lorsqu’il s’exprime, avec parfois les mêmes détours et la même pudeur que l’amour: si une certaine résonance se rencontre, on dirait que se touchent deux fils électrisés. C’est ce sentiment, et lui seul, qui transforme le lecteur en prosélyte fanatique, n’ayant de cesse (et c’est peut-être le sentiment le plus désintéressé qui soit) qu’il n’ait fait partager à la ronde son émoi singulier; nous connaissons tous ces livres qui nous brûlent les mains et qu’on sème comme par enchantement – nous les avons rachetés une demi-douzaine de fois, toujours contents de ne point les voir revenir. Cinquante lecteurs de ce genre, sans cesse vibrionnant à la ronde, sont autant de porteurs de virus filtrants qui suffisent à contaminer un vaste public: il n’y faut que quelques dizaines d’années, parfois un peu plus, souvent beaucoup moins: la gloire de Mallarmé, comme on sait, n’a pas eu d’autre véhicule – cinquante lecteurs qui se seraient fait tuer pour lui.

Julien Gracq,
La Littérature à l’estomac,
J.J. Pauvert, pp. 27-30 © 1961, Librairie José Corti

Écrit par : Calou | jeudi, 02 mars 2006

C'est comme un rappel de vaccination, à faire régulièrement sinon la faculté, essentielle, d'indignation, se perd.

Écrit par : J.-J. M. | jeudi, 02 mars 2006

Les commentaires sont fermés.