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mardi, 27 septembre 2005

Salmigondis au Salon de la revue

Une grosse affaire !

A voir ici

Ou là

11:40 Publié dans Revues | Lien permanent | Commentaires (10)

Cindy Sheehan arrêtée

L'Américaine Cindy Sheehan, symbole du mouvement anti-guerre aux Etats-Unis, a été arrêtée lundi en milieu de journée alors qu'elle manifestait contre la guerre en Irak devant la Maison Blanche.

A lire ici

Ou là

10:09 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 26 septembre 2005

Le moi n'est pas maître dans sa propre maison

L'homme, quelque rabaissé qu'il soit au-dehors, se sent souverain dans sa propre âme. Il s'est forgé quelque part, au cœur de son moi, un organe de contrôle qui surveille si ses propres émotions et ses propres actions sont conformes à ses exigences. Ne le sont-elles pas, les voilà impitoyablement inhibées et reprises. La perception intérieure, la conscience, rend compte au moi de tous les processus importants qui ont lieu dans l'appareil psychique, et la volonté, guidée par ces renseignements, exécute ce qui est ordonné par le moi, corrigeant ce qui voudrait se réaliser de manière indépendante (…).
Dans certaines maladies, et, de fait, justement dans les névroses, que nous étudions, il en est autrement. Le moi se sent mal à l'aise, il touche aux limites de sa puissance en sa propre maison, l'âme. Des pensées surgissent subitement dont on ne sait d'où elles viennent ; on n'est pas non plus capable de les chasser. Ces hôtes étrangers semblent même être plus forts que ceux qui sont soumis au moi ; ils résistent à toutes les forces de la volonté qui ont déjà fait leurs preuves, restent insensibles à une réfutation logique, ils ne sont pas touchés par l'affirmation contraire de la réalité. La psychanalyse entreprend d'élucider ces cas morbides inquiétants, elle organise de longues et minutieuses recherches, elle se forge des notions de secours et des constructions scientifiques, et, finalement, peut dire au moi :
"Il n'y a rien d'étranger qui se soit introduit en toi, c'est une part de ta propre vie psychique qui s'est soustraite à ta connaissance et à la maîtrise de ton vouloir. C'est d'ailleurs pourquoi tu es si faible dans ta défense; tu luttes avec une partie de ta force contre l'autre partie, tu ne peux pas rassembler toute ta force ainsi que tu le ferais contre un ennemi extérieur. (…) La faute, je dois le dire, en revient à toi. Tu as trop présumé de ta force lorsque tu as cru pouvoir disposer à ton gré de tes instincts sexuels et n'être pas obligé de tenir compte le moins du monde de leurs aspirations. Ils se sont alors révoltés et ont suivi leurs propres voies obscures afin de se soustraire à la répression, ils ont conquis leur droit d'une manière qui ne pouvait plus te convenir.(…) Le psychique ne coïncide pas en toi avec le conscient : qu'une chose se passe dans ton âme ou que tu en sois de plus averti, voilà qui n'est pas la même chose(…)."
C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi. Mais les deux clartés qu'elle nous apporte : savoir, que la vie instinctive de la sexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison.

Freud, Essais de psychanalyse appliquée

Max Ernst. L'Ange du foyer ou Le Triomphe du surréalisme

L'art moderne

La civilisation bourgeoise, maintenant étendue à l’ensemble de la planète, et dont le dépassement n’a encore été accompli nulle part, est hantée par une ombre : la mise en question de sa culture, qui apparaît dans la dissolution moderne de tous ses moyens artistiques. Cette dissolution s’étant manifestée d’abord au point de départ des forces productives de la société moderne, c’est-à-dire en Europe et plus tard en Amérique, elle se trouve être depuis longtemps la vérité première du modernisme occidental. La libération des formes artistiques a partout signifié leur réduction à rien. On peut appliquer à l’ensemble de l’expression moderne ce que W.Weidlé écrivait en 1947, dans le numéro 2 des Cahiers de la Pléiade à propos de Finnegan’s Wake : "Cette Somme démesurée des plus alléchantes contorsions verbales, cet Art poétique en dix mille leçons n’est pas une création de l’art : c’est l’autopsie de son cadavre".

Guy Debord

15:05 Publié dans Philo | Lien permanent | Commentaires (19)

Révolution

S’il y a quelque chose de dérisoire à parler de révolution, c’est évidemment parce que le mouvement révolutionnaire organisé a disparu depuis longtemps des pays modernes, où sont précisément concentrées les possibilités d’une transformation décisive de la société. Mais tout le reste est bien plus dérisoire encore, puisqu’il s’agit de l’existant, et des diverses formes de son acceptation. Le terme "révolutionnaire" est désamorcé jusqu’à désigner, comme publicité, les moindres changements dans le détail de la production sans cesse modifiée des marchandises, parce que nulle part ne sont plus exprimées les possibilités d’un changement central désirable. Le projet révolutionnaire, de nos jours, comparaît en accusé devant l’histoire : on lui reproche d’avoir échoué, d’avoir apporté une aliénation nouvelle.
Guy Debord

14:38 Publié dans Philo | Lien permanent | Commentaires (7)

Katrina balaye les non-dits raciaux

il y a bien deux pays aux Etats-Unis, et La Nouvelle-Orléans n'était pas dans le bon.
Article à lire ici

11:11 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

La saison 2005-2006 à la Baignoire

La saison 2005-2006 s'ouvre à "La Baignoire", compagnie "Les perles de verre" à Montpellier

A découvrir ici

09:35 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 25 septembre 2005

Marx, le vrai

La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Là où elle prit le pouvoir, elle détruisit toutes les relations féodales, patriarcales, idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissaient l'homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser d'autre lien entre l'homme et l'homme que le froid intérêt, les dures exigences du "paiement comptant". Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité à quatre sous dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange et, à la place des nombreuses libertés si chèrement acquises, elle a substitué l'unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, aride. La bourgeoisie a dépouillé de leurs auréoles toutes les activités qui passaient jusqu'alors pour vénérables et que l'on considérait avec un saint respect. Médecin, juriste, prêtre, poète, homme de science, de tous elle a fait des salariés à gages.La bourgeoisie a déchiré le voile de sentiment et d'émotion qui couvrait les relations familiales et les a réduites à n'être que de simples rapports d'argent.

Manifeste du Parti Communiste

21:07 Publié dans Philo | Lien permanent | Commentaires (2)

Poésie à l'IF

Poésie à l'IF

Le Cercle des Authentiques Cabochards
La Licorne d'Hannibal
ont le plaisir de vous inviter

samedi 1er octobre

à 18h : Vernissage de l'exposition du peintre Jean-Pierre Laboual
à 20h45 : Soirée poésie

le N° 10 de la revue est consacré au poète Gérard Salgas et au sculpteur Paul Rivieccio

Galerie l'IF
4, Bd de la Liberté 66200 ELNE
Ville haute direction cloître - cathédrale

Entrée et sortie libres

19:57 Publié dans Sorties | Lien permanent | Commentaires (0)

Ils ne se sont pas appelés Marx pour rien

Leur décontraction, ce pouvoir souverain qu’ils ont sur les choses, extrêmement jouissif, qui semble nous dire : une autre partition est possible, et elle est beaucoup plus drôle. Finalement ils ne se sont pas appelés Marx pour rien

00:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5)

samedi, 24 septembre 2005

Extraits inédits de "Friterie-bar Brunetti" - 11

Le complot des banques, des beaufs et des charognards de l’immobilier a toujours été d’en finir avec et d’éliminer une bonne fois pour toutes ces petits cafés de quartier dans la chaleur desquels s’assemblait le populo en fin de son affolant labeur pour, les uns et les autres joyeusement trinquant à la solidarité, rosser en paroles le gendarme, pester contre les prétentions du proprio et le prix du pain, se rebiffer avec la fougue des humiliés contre toute autorité voire même, ainsi que l’ont toujours redouté les banques, les beaufs et les charognards de l’immobilier, manigancer quelque coup tordu à l’encontre de leurs intérêts et de leurs viles magouilles.

Voilà pourquoi tant de Friterie-Bar Brunetti, tant de Bistrot de la Mère Christain et autres Écorche-Bœufs, Comptoir du Soleil, Chez Mimi et Popaul, Aux deux Absinthes, cafés matineux pour assoiffés de l’aube, bars à vin de ruelles obscures, tardifs troquets tenant rideau levé jusqu’à point d’heure ou minuscules bouchons au kitsch époustouflant vous enjoignant d’entrée : Prenez la vie comme un Martini!, se sont retrouvés aspirés comme si de rien n’était par l’horrible trou borgne des démolisseurs, équarrisseurs de toute poésie, et métamorphosés en moins de deux par les promoteurs à bagouses et cravate club en selfs, snacks, Quick et Mac, temples de la finance aseptisés où officie dans une parfaite indifférence une poignée d’automates en uniforme au service de pantins hébétés consommant sans mot dire la merde capitaliste dans une solitude peuplée d’assassins.

(Extrait de "Friterie-bar Brunetti" : Pierre Autin-Grenier, à paraître le 6 octobre chez l'Arpenteur)

 

18:55 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (0)

Les anti-consommation veulent changer le monde hors des partis

Comme si Internet venait transformer les formes traditionnelles du militantisme...

Article à lire ici

16:27 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

Que chacun fasse référence à sa vie

L'être de l'homme, non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne serait pas l'être de l'homme s'il ne portait en lui la folie comme limite de sa liberté.
Que chacun fasse référence à sa vie. Est-ce qu'il a ou non le sentiment qu'il y a quelque chose qui se répète dans sa vie, toujours la même, et que c'est ça qui est le plus lui. Un certain mode du jouir, un stéréotype qui est bien le stéréotype de chacun, témoignant d'un manque vraiment essentiel.
L'être parlant ne sait pas les pensées même qui le guident. Ces pensées comme toutes les autres, se caractérisent par ceci qu'il n'y a pas de pensée qui ne fonctionne comme la parole, qui n'appartienne au champ du langage. La façon dont Freud opère, part de la forme articulée que son sujet donne à des éléments comme le rêve, le lapsus, le mot d'esprit. La nouvelle forme qu'il lui substitue par l'interprétation est de l'ordre de la traduction, et la traduction c'est toujours une réduction. Il y a toujours une perte. Cette perte, c'est le réel de l'inconscient, le réel même tout court. Le réel pour l'être parlant, c'est ce qu'il perd, et surtout qu'il se perd quelque part, et où? C'est là que Freud a mis l'accent, il se perd dans le rapport sexuel. Il y a des normes sociales faute de toute norme sexuelle.
Même si les souvenirs de la répression familiale n'étaient pas vrais, il faudrait les inventer, et on n'y manque pas. Le mythe, c'est ça, la tentative de donner forme épique à ce qui s'opère de la structure.
Où en tout ça, ce qui fait bon heur ? Exactement partout. Le sujet est heureux. C'est même sa définition puisqu'il ne peut rien devoir qu'à l'heur, à la fortune autrement dit, et que tout heur lui est bon pour ce qui le maintient, soit pour qu'il se répète. L'étonnant n'est pas qu'il soit heureux, c'est qu'il prenne idée de la béatitude, une idée qui va assez loin pour qu'il s'en sente exilé.
La tristesse c'est simplement une faute morale, un péché, ce qui veut dire une lâcheté morale, qui ne se situe en dernier ressort que de la pensée, soit du devoir de bien dire ou de s'y retrouver dans la structure.
(Lacan)

16:07 Publié dans Philo | Lien permanent | Commentaires (0)

Le langage

N'est-ce pas, chez Freud, charité que d'avoir permis à la misère des êtres parlants de se dire qu'il y a - puisqu'il y a l'inconscient - quelque chose qui transcende, qui transcende vraiment, et qui n'est rien d'autre que ce qu'elle habite, cette espèce, à savoir le langage? N'est-ce pas, oui, charité que de lui annoncer cette nouvelle que dans ce qui est sa vie quotidienne, elle a avec le langage un support de plus de raison qu'il n'en pouvait paraître, et que, de la sagesse, objet inatteignable d'une poursuite vaine, il y en a déjà là? (Lacan)

15:31 Publié dans Philo | Lien permanent | Commentaires (0)

Cindy Sheehan est devenue l'icône du mouvement contre la guerre

Article à lire ici

14:35 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

Extraits inédits de "Friterie-bar Brunetti" - 10

Tout ce petit monde se croisait un moment l’autre de la journée au comptoir de Chez Brunetti, pour le croissant-crème du matin, au Ricard mominette sur le coup des midi, aux petites mousses fraîches d’après sieste et discutait boutique en passant, échangeait à la va-vite des points de vue à l’emporte-pièce sur quelques faits insignifiants ou se fixait rapido d’impérieux rendez-vous d’affaires pour d’improbables autres fois, ainsi sans discontinuer jusqu’en début de soirée où, une certaine accalmie succédant au remue-ménage de la ruche, nous nous retrouvions le plus souvent entre habitués sous l’œil bienveillant du père Joseph encore affairé aux fourneaux pour son ultime bassine de frites tandis que Renée emplissait les verres et distribuait les chopines, chacun y allant de son commentaire sur les menus événements du jour, le grand Raymond déjà tirant des plans sur la comète pour des lendemains qui, c’était à n’en point douter, pour tous se mettraient certainement à chanter, Fort et pas qu’un peu! comme il disait toujours.

 

À l’heure qu’il est le grand Raymond arrondit sans doute son ardoise à lamper quelques tardives mauresques ou gangadines glacées au bar de chez Saint Pierre en compagnie peut-être, allez savoir!, de Ginette toujours dans les nuages, d’un ou deux vieux ronchons du temps jadis, du père Carmet, pourquoi pas ?, et de toute la famille Duraton au grand complet cependant que les lendemains, devenus subitement des aujourd’huis sans saveur, en loques se traînent, essoufflés, au cul du capital suçotant du bout de pailles en plastoc des canettes de coca-cola dans la lumière carcérale d’anonymes cafétérias.

 

Le complot des banques et des beaufs, si vous voulez que je vous dise, est d’en finir une bonne fois pour toutes avec ces petits estancos à camarades où, dès la première tournée, on fraternisait d’emblée à tout partager et dans l’effervescence de discussions bien arrosées chacun à sa manière remodelait alors le monde de fond en comble jusqu’à deux heures du matin heure à laquelle, la solution de l’anarchie solidement établie, dans le bienfaisant engourdissement des flacons éclusés nous gagnait lentement une certaine somnolence qui nous portait peu à peu à une parfaite sérénité. De cela ils ne veulent pas. De cela ils ne veulent plus entendre parler, jamais. Plus jamais ça!, c’est leur devise, sans rigoler.

(Extrait de "Friterie-bar Brunetti" : Pierre Autin-Grenier, à paraître le 6 octobre chez l'Arpenteur)

Photo : Robert Doisneau

14:05 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (7)

Extraits inédits de "Friterie-bar Brunetti" - 9

La Friterie-Bar Brunetti, fondée en 1906 au 9 de la rue Moncey, comme je vous l’ai dit, et dont j’ai entrepris par fantaisie de célébrer ici le souvenir, rapport à mes à-valoir surtout, n’oubliez pas!, occupait dans le quartier de la Guille une position hautement stratégique puisque située à deux pas à peine de la Place du Pont et de son légendaire magasin Prisunic, lui-même ouvert début des années trente sur l’emplacement de la Grande Brasserie Charroin où se retrouvaient alors les enragés du Damier Lyonnais pour de terribles tournois, mais aussi et déjà les marlous à rouflaquettes et casquettes à pont immigrés du Piémont, les zouaves à couteaux des casernements tout proches et quelques Casque d’Or au petit pied en congé des maisons de la rue Turenne, Marignan ou alentour.

La Friterie Brunetti des années soixante qui fut la mienne, c’est de tous ces cocos-bel-œil, manilleurs aux enchères, petites gens à la débrouille, marchands de chansons et coquettes de la barrière qu’ elle a pris le relais avec, en prime, la clientèle assidue et siroteuse des smicards du Prisunic, celle bambocheuse et forte en gueule des chauffeurs de taxis pour qui le zinc tenait le plus souvent lieu de borne et aussi les séfarades tout juste débarqués de Casa ou Tanger, de Tunis et Tabarka, la plupart négociants en tissus chamarés de faux or et lourdes broderies débités au petit métrage ou bradés par coupons entiers dans le clair-obscur d’échoppes étriquées ou alors ciseleurs de bagues, bracelets et pendeloques tarabiscotés en invraisemblables turqueries que lorgnaient avec gourmandise les matrones du coin.

À ce florilège de tous les petits boulots de tous les faubourgs de l’univers il fallait ajouter les arrivants d’Alger, Blida ou Constantine, les Mohamed qui levaient le rideau des premières boucheries halal, les Ali tenant étal d’épices, pistaches, pois chiches et semoule à couscous, d’autres ouvrant des bazars trouve-tout où s’entremêlaient pêle-mêle poêles à paella, tapis de prière, shampoings au henné et tout un fourbi défiant le moindre inventaire, cependant que les plus mal lotis d’entre eux quittaient tôt le matin leur meublé pour s’en aller à pied à l’autre bout de la ville se faire briser l’échine par les gardes-chiourmes de chez Pénnaroya pour le plus grand profit du patronat.

(Extrait de "Friterie-bar Brunetti" : Pierre Autin-Grenier, à paraître le 6 octobre chez l'Arpenteur)

Photo : Robert Doisneau

10:05 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (2)

vendredi, 23 septembre 2005

Extraits inédits de "Friterie-bar Brunetti" - 8

Oh! vous n’êtes du tout coupé, comme seuls les imbéciles voudraient le croire, de l’âpre et inextricable réalité quotidienne ; non, légèrement en retrait pour ainsi dire et relié à l’univers précisément par ce silence subtil et si particulier qui caractérise certains cafés de quartier à mi-matinée, vous envisagez d’un regard audacieux et reconsidérez un instant la vie, la vôtre comme celle d’autrui, telle qu’elle est, telle aussi qu’il suffirait de peu pour lui rendre l’âme à nouveau. Quand même le ciel reste de suie et l’horizon fermé, les pensées les plus folles vous habitent, les voyages les plus inespérés vous les faites.

Oui, des siècles sans crainte peuvent s’écouler ainsi et l’éternité n’est plus inutile à celui qui de confiance s’abandonne au cœur des cafés pour y naviguer tout à loisir ; son regard au hasard s’échappant par-dessus les petits rideaux bonne femme de la boutique, l’ombre d’un instant il pourra découvrir alors des ailleurs peuplés d’incroyables Éthiopies, bienheureux Rimbaud de bistrot tout le mystère de la vie d’un coup s’offre à lui.

Il n’est, voyez-vous, d’aventures et de vagabondages vraiment souverains que par les cafés et par le vin et jamais ne pourra rivaliser avec de tels enchantements aucune des absurdes chevauchées ou cavalcades-polaroïd des petits Marius avaleurs de fuseaux horaires et amateurs de grands déménagements. Il n’y a pas à tortiller là-dessus, depuis que le monde est monde c’est comme je vous le dis.

 

(Extrait de "Friterie-bar Brunetti" : Pierre Autin-Grenier, à paraître le 6 octobre chez l'Arpenteur)

Photo : Robert Doisneau

21:50 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (5)

Extraits inédits de "Friterie-bar Brunetti" - 7

 

Maintenant écoutez-moi, voici une vérité dont je puis vous assurer pour l’avoir de longtemps éprouvée : on ne voyage bien en fait qu’au café, en compagnie d’un panaché, d’une verte, d’un Cinzano ou d’un petit noir arrosé si vous préférez ; un modeste reginglard de charbonnier ferait d’ailleurs tout aussi bien l’affaire. Table de bois, pichet auquel se réfère la main même si l’on n’a pas soif, chaleur enveloppante de la discrète musique du zinc souvent en sourdine sur le coup des neuf heures du matin, froissement des pages du journal que susurre un vieux de la vieille tout en lisant tandis qu’à ses côtés et l’air réfléchi un autre bourre avec application sa pipe à gros fourneau d’un paquet de gris. Économie de paroles, échanges fugaces, comme en aparté et juste pour dire que le temps va changer ou qu’Ils ont encore augmenté la baguette. Assis un peu à l’écart en équilibre sur un bord de tabouret un carabin révise à la va-vite le dernier cours, s’encourageant pour cela d’un grand crème et d’une bout dorée. La patronne au pas lourd et qu’on imagine presque en robe de chambre et chaussons tant on se sent ici chez soi, vous sert sur un simple signe de tête le verre désiré, une seconde votre écot tinte en tournoyant telle une minuscule toupie dans la soucoupe de fer-blanc ; vous avez fait l’appoint, le compte est bon. Vous pouvez appareiller.

Qu’importe alors le temps qu’il fait sur les boulevards; voyageur sans valise livré à la méditation et à de multiples découvertes, seul, vous explorez la profondeur intime du monde à l’abri des gesticulations insensées du dehors qui sans cesse l’efface au profit de mille grimaces. Posé là, immobile au milieu des petites gens au parler économe dont vous vous faites le silencieux complice, l’air absent dans l’atmosphère feutrée des lieux, avec pour armes et bagages seulement votre blanc sec et un journal sans raison déplié sur la table, vous voici, emporté par le cours de votre rêverie, doucement devenant capitaine de toutes les espérances.

(Extrait de "Friterie-bar Brunetti" : Pierre Autin-Grenier, à paraître le 6 octobre chez l'Arpenteur)

 

18:50 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (15)

Le spectacle est la reconstruction matérielle de l'illusion religieuse

La philosophie, en tant que pouvoir de la pensée séparée, et pensée du pouvoir séparé, n'a jamais pu par elle-même dépasser la théologie. Le spectacle est la reconstruction matérielle de l'illusion religieuse. La technique spectaculaire n'a pas dissipé les nuages religieux où les hommes avaient placé leurs propres pouvoirs détachés d'eux : elle les a seulement reliés à une base terrestre. Ainsi c'est la vie la plus terrestre qui devient opaque et irrespirable. Elle ne rejette plus dans le ciel, mais elle héberge chez elle sa récusation absolue, son fallacieux paradis. Le spectacle est la réalisation technique de l'exil des pouvoirs humains dans un au-delà ; la scission achevée à l'intérieur de l'homme.

Guy Debord, La société du spectacle