samedi, 06 septembre 2008
Le Voyageur au-dessus de la mer de nuages de Françoise Renaud, par Hervé Pijac
Ce roman — dont le titre judicieux est tiré de l’œuvre éponyme du peintre Caspar David Friedrich — nous invite dans une quête sensible de l’absolu au travers d’un retour, parfois douloureux, sur soi-même. Il ne s’agit pas d’une autobiographie, pourtant, comme dans toute son œuvre, Françoise Renaud dévoile quelques pans de ses racines et la maîtrise de son émotivité est l’apanage des « vrais » écrivains, toujours à la recherche d’un inaccessible…
Cette fois elle se glisse dans une âme masculine.
Un homme aurait tout pour être heureux s’il n’était confronté au mal de vivre à cette période charnière de l’existence où l’on s’interroge, parfois en vain, parfois découvrant le chemin. Une rencontre avec une Cévenole va le conduire doucement à la sérénité.
Cet homme pourrait être vous, ou moi. En tout cas, je me retrouve en lui, aussi dans l’hommage rendu à cette femme à la fois guide et amie, transfigurée par la maladie et d’une grande force morale.
Que ce livre ait été récompensé du Prix Vallée Livres 2008 n’est pas le fruit du hasard. Les Cévennes y sont omniprésentes, tant dans les caractères des personnages que par la prégnance de la pierre (Il y avait le schiste à tessiture sombre, le granite en vigie, le calcaire fissuré. (…) Le schiste avait ma préférence.) et, peut-être surtout, des paysages (Ces montagnes sauvages (…) connaissent des matins d’azur et des nuits de neige, des chuchotements d’herbe et des hurlements de vent.). Tellurisme garanti, à fleur de granite.
Françoise Renaud, bretonne et géologue, nous offre l’enchantement d’un texte superbe à l’écriture épurée et d’une grande justesse, marquée de cette sensualité des mots qui lui est chère.
Éditions GabriAndre, 2008 – 16,95 €
http://www.editions-gabriandre.com
Voir ici le site de Françoise Renaud
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lundi, 28 juillet 2008
Le Voyageur au-dessus de la mer de nuages, de Françoise Renaud
Voir la présentation du livre ici
« La vie d’un homme ressemble à celle de la montagne. L’événement qui arrive noie les précédents dans le chaos, remanie les matériaux tout en les entraînant vers l’abîme. Mais un jour tout remonte à la surface. » La montagne que raconte le dernier livre de Françoise Renaud est la Cévenne, terre rude et sensuelle en même temps, massive et tendre, fermée en apparence mais où les cœurs s’ouvrent si fort. C’est l’histoire d’un homme aussi qui remonte le cours de sa vie et des ses amours. « Auprès d’Hélène, la matière du souffle se faisait plus dense, l’espace se tendait comme une voile au vent. » « Ce n’était pas qu’Hélène me remplissait les veines de feu et m’inspirait des sentiments inédits, non, c’était seulement que sa présence révélait en moi une vie secrète. » Et dans la vie de cet homme, la découverte du tableau de Friedrich : « Le Voyageur au-dessus de la mer de nuages » va jouer un rôle clé. « Chez Friedrich, toujours des transparences et des lumières surnaturelles, du minéral déchiqueté : parois diaclasées, chaos, abîmes, sommets inaccessibles avec personnages minuscules dominés par la puissance des événements terrestres. » On se laisse d’abord envoûter par la beauté du style de l’écrivain, son amplitude, la sensualité et la pudeur qui en émanent, puis par la finesse des notations psychologiques. Françoise Renaud a le don d’alterner les phrases longues et belles avec des énoncés courts et concis qui arrêtent la lecture et imposent la réflexion, un peu comme la vie finalement faite de longs moments creux et de satoris fulgurants.
Editions GabriAndre, prix Vallélivre Cévennes 2008
00:10 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : le voyageur au-dessus de la mer de nuages, françoise renaud, critique, cévennes
jeudi, 17 juillet 2008
Le Voyageur au-dessus de la mer de nuages
Le Voyageur au-dessus de la mer de nuages de Françoise Renaud, a obtenu le Prix 2008 du Manuscrit Régional VALLEELIVRES Cévennes.
Extrait :
Le deuxième trimestre était largement entamé quand je revis par hasard Virginia au bar de Jacquelin.
Elle paraissait changée, son visage amaigri, sa peau ternie. Dans l'instant où elle avait franchi le seuil du bar, j'avais cru qu'elle me cherchait des yeux, raison pour laquelle j'avais levé le bras pour lui faire signe. Lentement elle avait marché vers moi, alors j'avais vu combien elle était changée.
Je rentrais d'une excursion à l'île de Groix avec mes camarades de maîtrise, aussi j’entrepris de lui raconter la pointe des Chats, les litages fins et plissés des schistes étonnamment bleus. Bleus à cause du glaucophane. Oui, le glaucophane : un minéral abyssal qui donnait idée de ce qui arrivait quand l'écorce terrestre rencontrait le plancher océanique, un minéral engendré sous de très hautes pressions qui témoignait de chevauchements anciens. J'assurais que sa couleur était inimitable, proche de l'indigo des robes de désert, proche des lavandes du plein été. À la fois marin et végétal. Elle n'avait jamais entendu ce nom-là. Pour conclure elle affirma que je ne manquais pas de talent pour conter les histoires.
En vérité j'étais fou, fou d'avoir découvert les roches à glaucophane et fou de la revoir, persuadé que le premier événement avait suscité l'autre.
Souvent j’avais guetté sa silhouette au sein de la marée d'étudiants qui franchissait le seuil du restaurant, mais jamais ne l'avais aperçue. Chaque fois j’avais refoulé ma déception. Et maintenant j'avais envie de le lui avouer quand, brusquement, elle proposa de sortir dans le parc. L'air lui manquait.
La pluie était tombée une bonne partie de la matinée et les végétaux dégageaient encore des odeurs de tempête. Tout de même, on sentait que le vent du nord était en train de rentrer, que le ciel lentement s'abandonnait à ses courants indécis.
Nous nous assîmes sur un muret à proximité de la bibliothèque.
Les gouttes géantes suspendues aux branches d'arbre au-dessus de nos têtes tremblaient. Parfois chutaient dans nos cheveux.
Quel prix accorder à ces secondes où nous avions les yeux posés sur le même ciel ? Il était plombé comme après un naufrage, pourtant la clarté grandissait à mesure que le vent se précisait, nimbait nos corps et nos visages d’un halo blanc. Tout le reste de la vie aurait pu se dérouler à l'aune de cette clarté, du moins en avoir la saveur : moi assis près d'elle à frôler sa manche, le vent en train de naître, l’imperceptible frémissement du monde après la pluie.
Peut-être que c'était ça le bonheur.
08:20 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : françoise renaud, le voyageur au-dessus de la mer de nuages